Quelques mots autour de la pratique du Contact Improvisation…
un peu d’histoire et un peu de ce qu’il est pour nous
Le Contact Improvisation est un champ de recherche par le mouvement initié par un groupe de danseureuses nord-américaines en 1972 à New York. Pratiqué le plus souvent dans des duos où le contact physique entre les partenaires est constamment maintenu, il ressemble à la lutte, aux ébats amoureux, à la capoeira, au tango, à des chiots qui se chamaillent, à de l’acrobatie. En 1975, Simone Forti l’a baptisé un art-sport, Steve Paxton l’a plus tard appelé un « un art martial, mais sans le martial… un art-coopération. »
Les premiers moments du Contact Improvisation correspondent à un atelier proposé par Steve Paxton autour d’une pièce, Magnesium, dont la partition tenait en peu de mots : « je veux pouvoir décoller de la terre et ne pas avoir à m’inquiéter de l’atterrissage. » Les quelques jeunes hommes qui y testent leurs improvisations explorent sauts, chutes, collisions, roulades, et découvrent l’appui que le toucher fournit dans ces explorations. A partir de là, le contact improvisation restant une forme essentiellement coopérative (difficile de le danser seul), il s’est rapidement transformé en une danse sociale, pratiquée lors des jams, espaces de libre jeu et d’exploration, et préparée par des cours et des laboratoires.
Au cours de ses quarante ans d’existence, les contacteurs et contacteuses ont donné un nombre impossible de définitions au CI, la plupart d’entre elles publiées dans Contact Quarterly. Toutes se complètent, et aucune n’est définitive. En voici quelques unes…
Le contact improvisation peut être décrit comme l’investigation mutuelle et spontanée des chemins dynamiques et des inerties créés lors de la rencontre active de deux personnes qui dansent, libres, avec leur sensibilité pour guide et pour garde-fou.
Certaines parties inhabituelles du corps sont susceptibles de porter du poids, et plusieurs semaines de conditionnement sont essentielles à muscler et à communiquer aux muscles les nouvelles tensions auxquelles ils s’exposent.
Nous travaillons à partir de la prémisse selon laquelle communiquer avec le corps doit être un exercice quotidien, actif, direct et doux pour une période de temps assez longue avant les exploits de l’exploration plus énergique de cette forme.
Certaines parties du corps requièrent une attention particulière à renforcer leur réceptivité, leur souplesse et leur force physique : le cou, les épaules, les cuisses, le pelvis, les genoux et les chevilles. La désorientation peut être évitée par un entraînement attentif à la vision périphérique, aux chutes simples et par l’investigation de manœuvres qui tendent à déstabiliser.
Moments of Practice (2011) avec Irene Sposetti & Johan Nilsson
Le Contact est une Révolution par le Toucher. C’est une révolution contre la tyrannie du non-toucher. C’est une politique de mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, organisant la cassure des codes spatiaux et de la distance entre les gens. Nous connaissons le toucher amoureux, le toucher familial ou amical, mais, de fait, le toucher d’un étranger est laissé aux rencontres hasardeuses dans des lieux bondés, comme le contact entre la paume de ma main et les doigts du caissier remettant la monnaie de mon dollar. S’engager dans une danse et saisir l’opportunité d’éveiller ses sens, d’adoucir sa peau dans tous les coins et recoins d’une personne dont on connaît ou non le nom, de sentir ses habits, de partager ses sueurs, de n’avoir comme relations que ces moments de mouvements partagés dans un contexte non-sexuel, modifie l’être-ensemble social.
Steve Paxton, Talking about dance (2014)
Pour les danseurs de Contact Improvisation, la forme fait partie de la vie de tous les jours, c’est une façon d’utiliser le corps, une prise de conscience constante du corps qui imprègne toute activité et s’inspire d’autres tâches, formes artistiques, lectures et questions sociales. Danny Lepkoff écrit dans un numéro de Contact Newsletter: “Apprendre encore et encore / La danse a sa place dans ma vie / Comme manger, chier, dormir et s’éveiller / à la recherche de l’équilibre / et de l’aisance / se balancer d’avant en arrière”. “Lorsque l’on parle ou que l’on écrit à propos de la danse Contact, on parle inévitablement de nos vies” écrit Alan Potash. Au fil de son évolution, la danse Contact est devenue un projet collectif, démocratique, avec des ateliers, des sessions d’été intensives, des confé- rences ainsi que des groupes locaux, informels qui s’entraînent régulièrement.
Chute (1979) montre des extraits des premières expérimentations avec le Contact Improvisation en 1972
Le contact improvisation est un art-sport pratiqué en duo qui attire en ce moment une attention internationale de la part d’institutions engagées dans l’exploration de nouvelles formes de danse. (…) C’est une activité liée à des formes de duos familières, comme l’étreinte amoureuse, la lutte, les arts martiaux et le jitterbug [ndt : forme de swing acrobatique proche du lindy hop], comportant une gamme de mouvements qui vont de l’immobilité aux mouvements les plus athlétiques. Les exigences de la forme imposent un mode de mouvement relâché, constamment conscient et préparé, manifestant un flux constant. Le point de concentration fondamental pour les danseurs est de rester en contact physique ; s’offrant mutuellement des appuis, innovant, ils méditent sur les lois physiques liées à leurs masses : la gravité, l’impulsion, l’inertie et la friction. Ils ne s’efforcent pas d’atteindre des résultats mais bien plutôt cherchent à accueillir une réalité physique constamment changeante par une manière appropriée de se placer et de diriger leur énergie.
Contact Improvisation is an open-ended exploration of the kinaesthetic possibilities of bodies moving through contact. Sometimes wild and athletic, sometimes quiet and meditative, it is a form open to all bodies and enquiring minds.
Pense au fait de bouger dans l’eau; nager. De se déplacer sur la neige; skier. Dans l’air; voler. Le début du Contact Improvisation fut comme la découverte d’un nouveau milieu où se mouvoir. Le corps de l’autre comme milieu. Un milieu formidablement réceptif, coopératif, parce qu’il est une personne. Bien sûr, ce qui fait la spécificité du Contact Improvisation, c’est son approche fondamentale du mouvement dans ce milieu. Je me souviens du film l’été sans fin où des surfers suivent l’été autour du globe à la recherche de la vague parfaite. Ils la trouvent sur la côte Ouest africaine. La population tribale observe les surfers glissant sur les vagues, puis elle abat des arbres et façonne ses propres planches. Elle va sur l’eau, tombe et retombe, mais apprend vite, très vite cette nouvelle manière naturelle de se mouvoir sur l’eau. Je suis sûre qu’aujourd’hui il y a parmi elle nombre de praticiens et de maîtres.
Fall After Newton (1987) suit la trajectoire de Nancy Stark Smith au cours de ses quinze années de pratique du Contact Improvisation.