L'association
L’œil et la main est une association à but non-lucratif consacrée au développement du Contact Improvisation (un art-sport qui emprunte à la danse, aux arts martiaux, à l’acrobatie, aux jeux d’enfants…) et des pratiques et savoirs affiliés (pratiques somatiques, pratiques de consentement, techniques de conscience de soi, hypnose, recherches sur le mouvement et la coordination humaine et animale, pensées du corps).
Nous ne considérons pas le Contact Improvisation comme une forme à perpétuer. Nous l’envisageons comme un processus de recherche autour des possibilités offertes par le toucher et le partage de la relation gravitaire. Et donc, cela prend la forme : de cours, de stages, de conférences-ateliers, de jams, de festivals, de laboratoires. Autant de manière de pas-savoir ensemble.
Texte d'intention 2023
S’empuissancer les unes les autres
Impro & coquillages Juillet 2023 – L’oeil & la main
Empuissancer, empouvoirer : des verbes avec des histoires de luttes féministes, de luttes antiracistes, de luttes queer. Des verbes qui parlent d’une manière différente d’exercer le pouvoir et qui se demandent : comment créer des espaces où les puissances de toustes ont l’occasion de se déployer, où le pouvoir n’est pas un pouvoir-sur (un pouvoir qu’on n’a que parce que les autres ne l’ont pas), mais un pouvoir-avec (un pouvoir qu’on n’a que parce qu’on l’a avec les autres) ?
Dans le Contact Improvisation, nous partageons nos poids, nos perceptions et nos gestes : peau à peau, nous nous exerçons à pouvoir ensemble. Ce n’est pas seulement que tu me permets de faire des choses que je ne pourrais pas faire toute seule : c’est aussi que tu me permets d’imaginer et de percevoir des choses que je n’aurais pas même eu l’idée de faire ou de sentir sans toi. Avec le Contact Improvisation, nous nous demandons : Comment, à partir de ce qui nous compose, se lier, se relier ? Comment fabriquer ensemble une cartographie corporelle, physique, émotionnelle ?
Une cartographie de chemins où perceptions, sensations, repères, divergences, convergences, limites et possibles s’entrecroisent et nous transforment, nous déplacent intimement. Quand la poétesse Emmelie Prophète nous dit « je croise chez moi des personnages, inconnus pour la plupart, ils me prennent par la main et passent à travers moi », elle nous rappelle à cette donnée essentielle : nous sommes traversées par tout ce qui nous entoure, par ce qui nous habite, nous obsède, nous (dé)compose…. En nous entremêlant, nous nous faisons donc le don de nos matières denses, de nos mémoires corporelles, ancestrales, mais aussi d’une ouverture vers tout un champ de virtuels. Nous nous traversons les unes les autres et n’en sortons jamais indemnes.
Appelons ça : vulnérabilité. Dans le Contact Improvisation, nous nous rendons vulnérables les unes aux autres. Pas facile. Pas facile quand tout déjà dans le capitalisme vise à nous rendre extractibles, à faire des miettes de nous pour mieux pomper nos forces à son service. Pas facile, quand le seul pouvoir qu’on nous laisse imaginer est le pouvoir-sur, d’arriver à laisser au vestiaire les gestes appris pour y survivre et d’imaginer d’autres manières d’être puissantes. Et pourtant, voilà le pari : pourrions-nous créer les conditions où consentir à notre vulnérabilité les unes aux autres? Nous engager ensemble à soulever la carapace, à nous désanesthésier, pour mieux nous sentir les unes les autres?
Un espace où, certes, il se pourrait bien que nous nous blessions, où il se pourrait bien que nous rencontrions nos peurs et nos crispations – un espace donc qui ne serait pas idéal mais ancré dans nos réalités de vivantes et au sein duquel nous pourrions apprendre à chérir nos fragilités. Un espace, dans le même temps, dans lequel nous apprendrions à prendre ensemble la mesure de la manière dont nous nous affectons mutuellement et à prendre soin les unes des autres. Un espace enfin dans lequel nos instabilités mutuelles nous rendraient surtout disponibles à des possibles encore inimaginés.
S’entraîner à des frontières plus poreuses, voilà qui nous apprend à devenir les créatures terrestres que nous sommes : vulnérables les unes aux autres, nous ne le sommes pas qu’avec les mammifères humaines avec qui nous partageons nos studios ; nous le sommes avec toute une «chair du monde», qui circule de l’air, au parquet, à la lumière, aux embruns salés qui remontent de la plage à côté, aux oiseaux qui passent au travers du ciel et aux bactéries qui remuent dans nos tubes digestifs et sur les déchets que nous laissons derrière nous. Nous ne deviendrons pas puissantes sans elles, toutes ces créatures avec qui nous composons nos danses et nos vies.
À un moment où les soulevé·es de la terre et les soulevé·es du bitume sont accusées de terrorisme, dissoutes ou inculpées, nous partons à la recherche d’antidotes à la perte de puissance pour puiser de la force dans l’infragestuel, dans des nanoéthiques de la relation, dans des micropolitiques de la tendresse : pas (seulement) un refuge, mais, oui oui oui, et tant qu’on peut, un lieu qui donne des ressources pour les luttes et les vies présentes et à venir.
Catherine, Céline, Emma & Myriam
Actualités
Sortie du livre d’Emma Bigé
Mouvementements
Emma Bigé, Mouvementements. Écopolitiques de la danse
(Paris: La Découverte, 2023)
Les laboratoires du tactile à la Briqueterie
prochaine séance avec Myriam Rabah Konaté et Cléo Tabakian
le 8 juin 2024, à la Briqueterie CDCN du Val-de-Marne à Vitry-sur-Seine
(C)I – Cours de contact improvisation
Tous les mercredis de 17h à 19h à Breguet
Et toujours
Pratique de Contact Improvisation
Tous les samedis matins, une jam silencieuse de Contact Improvisation où l’on commence par une Petite danse (méditation debout) collective. Une structure simple pour pratiquer une attention incarnée, soutenue et partagée.
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Une anthologie (en français) de textes de Steve Paxton sur le Contact Improvisation (traduction par Emma Bigé) :
Agenda du Contact Improvisation à Paris
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